« Draw me a Sheep.»
Ses poings sont serrés contre son corps maigre. Ses yeux sont dressés vers l'adulte qui lui parle avec beaucoup de dureté. Elle n'en démord pas. Elle comprend malgré son âge que si elle était l'enfant de cette personne, il lui en virerait une pour oser défier une personne plus âgée. Elle ne détourne pas le regard quand la porte s'ouvre tout à coup, avant de se sentir soulever dans des bras costaux. Elle s'accroche à ce cou musclé et un peu tatoué. Ils partent. Sans écouter les paroles de l'enseignant, ils filent à travers les couloirs de l'étoile. Elle se laisse installer dans le bolide, avant de sentir le vent souffler contre son visage. Elle ne voit que le cuir noir de celui qu'elle considère comme le seul garçon gentil et fort à la fois. Ils s'arrêtent sur le bord de la route après des kilomètres. Il lui retire son casque de sécurité, avant d'essuyer la lèvre de son enfant où un peu de sang à coulé.
« Pourquoi as-tu fais ça ? »
« … J'avais une bonne raison. »
Elle voit son sourire. Son père, c'est son Superman à elle. Son Sangoku. Il est immortel. Il a un véhicule qui va vite. Tout le monde le prend pour un méchant, parce qu'il est extravagant et qu'il porte du cuir. Elle sent sa grande main se poser sur sa petite tête. Il s'allume une cigarette. Son sourire est immense. Il est rayonnant. Elle ne connaît que lui. Elle n'a pas de maman. Ou elle fait comme si, elle n'en avait jamais eu. Son rire envahit ses oreilles d'enfant. Elle sourit à son tour. Il n'est pas fâché contre elle.
« Tu es bien ma fille, tu seras une demoiselle forte, c'moi qui t'le dis ma puce ! »
Park BonHwa est un homme qui n'est peut-être pas exemplaire, mais il aime sa fille. Et il l'aimera jusqu'à la fin. Il protège ce qui est important. Elle tient beaucoup de ce qu'il lui a enseigné. Jusqu'à ce qu'il la laisse voler de ses propres ailes. Un doux rêve qu'il ne verra jamais.
« I'm so sorry for what I did. »
Cette fois-ci, une gifle, elle s'en prend une. Mais son regard n'a pas changé d'un poil. Elle ne réplique pas. Pourquoi ? Ce n'est pas parce que c'est sa mère, oh non. C'est parce que c'est une femme faible et pathétique. Elles partagent peut-être le même sang, mais rien de plus. Son regard, il n'a pas changé. Il défie du regard cette femme de recommencer, rien qu'une fois. Sa mère rage, insulte. Mais elle ne la touche pas. Quelque part, elle se dit qu'elle ferait peut-être exploser sa fille. Personne ne voudrait voir ça. Et encore moins en faire les frais.
« Tu es bien sa fille ! Un déchet de la société, comme l- !»
Le coup était parti. Elle était contre le mur, figée. Le regard de la femme suivit le bras à côté de son visage, planté dans le mur. A quelques centimètres de son joli minois. Ils se reposent sur sa fille. Elle a peur. Terrifiée par une gamine qui n'a que quinze ans.
« Ferme là, vieille garce. Prend ton nouveau pigeon et casse-toi ! T'approches plus d'Hikari ou de moi. Donne l'argent comme d'habitude, jusqu'à ma majorité et j'te laisserai tranquille. »
La femme part en courant avec ses valises. Elles ont de l'argent. C'est un quartier pauvre ici. Ce genre de scène n'est pas anormal par ici. On s'occupe pas des pauvres et des miséreux. La porte claque. Ae Chan relâche ses muscles. Elle envie de hurler. Quatre ans déjà qu'il n'est plus là pour lui apprendre des choses. Pour la faire rire et la réconforter. Faire des longues balades ensemble. L'école, c'est pas son truc. Elle s'en fout. La vie, c'est pas forcément les études. Quand un bruit attire son attention. La jeune lycéenne se précipite dans les escaliers, rentre dans une petite chambre et saisit avec douceur le bébé de quelques mois qui pleure contre elle. Elle tombe lentement à genoux, elle serre ce petit être fragile entre ces bras. L'enfant s'arrête de pleurer. Ae Chan pleure à son tour.
« On a pas besoin d'elle. On a besoin de personne pour s'en sortir. »
« We are the Warrior that built this Town from dust. »
Les terroristes ? Le gouvernement ? L'ordre social n'est plus. Ae Chan s'est rangée du côté des libertaires. Elle ne croit qu'en eux. Les autres sont trop stupides, violents ou elle ne savait pas encore quoi d'autres. La hiérarchie entre les gens ne devraient plus exister. L'égalité entre tous, qu'importe la naissance ou les parents. Rien ne devrait être décidé par des gens qui ne sont pas nous. Qui sont-ils par rapport à nous ? Pour une raison ou une autre, elle eut cependant la chance de pouvoir reprendre un petit bar dans Mapo-Gu. Les affaires marchent tranquillement, elle est capable ainsi de donner un repas sur la table d'Hikari. Elle est d'ailleurs la petite chouchoute. Les clients apprécient la gamine de maintenant onze ans. Comme une sorte de petite mascotte. Ae Chan... Une femme secrète, rêvant de courir à toute allure, jusqu'à en mourir. Pour toujours et à jamais.
« Run, run, run I can't help it. »